Et si tout était une question de sens ?

Mais alors, dit Alice, si le monde n'a absolument aucun sens, qu'est-ce qui nous empêche d'en inventer un ?

Le travail occupe une place importante dans nos sociétés et dans la construction de l’identité des personnes. La question du sens au travail est de plus en plus présente et a d’ailleurs été le thème choisi par l’ANACT ( Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail) en 2022 pour la 19ème semaine pour la qualité de vie au travail.

Il n’existe pas de consensus sur la définition de ce concept tant le sujet est vaste et diffus. On peut distinguer le sens du travail et le sens au travail :

  • Le sens du travail se rapporte au travail lui-même, aux taches et rôles prévus par la fonction (fiche de poste), à l’environnement et aux conditions de travail.
  • Le sens au travail se réfère aux relations sur le lieu de travail, sens des relations avec ses collègues, la hiérarchie et la clientèle.

Le sens du travail et le sens au travail sont deux dimensions interdépendantes qui contribuent au bien-être et à la performance des travailleurs. Le fait de donner un sens au travail peut favoriser l’engagement et la motivation des travailleurs, tandis que le fait de vivre un travail qui a du sens peut contribuer à renforcer la santé mentale et la satisfaction au travail.

Pour nous éclairer, attardons nous sur la littérature existante à ce sujet. Pratt et Ashforth (2003) émettent l’hypothèse que

« le sens que donne un individu à son travail et à son milieu de travail est aussi intimement lié à son identité, et que l’identité est également influencée par le sens que la personne trouve dans son travail et dans son milieu de travail. Ainsi, le travail et le milieu de travail ont du sens pour une personne lorsqu’elle perçoit une correspondance, un appariement ou un alignement entre son identité, son travail et son milieu de travail. »

Caroline Arnoux Nicolas définit le sens au travail

« à travers la perception qu’a l’individu à la fois de son travail et de son rapport à celui-ci. Le sens repose sur son vécu de l’expérience réelle du travail, sur l’interprétation qu’il en fait et de ses expériences passées »

Caroline Arnoux-Nicolas. Donner un sens au travail Pratiques et outils pour l’entreprise. (2019) Dunod

Il y a donc une part de subjectivité dans cette notion, puisque liée à une perception individuelle de l’organisation du travail, de son environnement de travail qui peut varier en fonction de caractéristiques individuelles (âge, sexe, scolarité, personnalité …).

Pour Jesper Isaksen (2000) c’est

« un état de satisfaction engendré par la perception de cohérence entre la personne et le travail qu’elle accomplit »

Il ajoute huit caractéristiques du travail favorisant le sens du travail : la possibilité de s’identifier à son travail et à son milieu professionnel, la possibilité d’avoir de bonnes relations avec les autres et de se préoccuper de leur bien-être, le sentiment que le travail est utile et qu’il contribue à l’accomplissement d’un projet important,le sentiment que le travail accompli est important pour les autres, qu’il est bénéfique pour autrui, la possibilité d’apprendre et le plaisir de s’accomplir dans son travail, la possibilité de participer à l’amélioration de l’efficacité des processus et des conditions de travail, le sentiment d’autonomie et de liberté dans son travail, et le sentiment de liberté et de fierté du travail accompli.

Estelle Morin mène des enquêtes depuis 1993 auprès de salariés exerçant dans des secteurs d’activité différents afin de déterminer quelles sont les caractéristiques principales d’un travail qui a du sens. Il s’agit de :

  • l’utilité sociale du travail : reconnaissance, ajout de valeur, avoir un travail identifié comme utile pour les autres
  • la rectitude morale : correspond à un travail qui respecte les valeurs humaines, la justice et l’équité pour l’individu
  • les apprentissages et le développement : un travail où l’on a un sentiment de croissance, l’occasion d’évoluer, de se former
  • l’autonomie : pouvoir faire son travail de manière la plus efficace selon l’individu, pouvoir exercer son jugement, avoir une marge de manœuvre pour apporter des modifications à son travail
  • la qualité des relations interpersonnelles : qualité des relations dans notre milieu de travail, entraide et soutien avec les collègues, le supérieur hiérarchique …
  • la reconnaissance : besoin de l’individu d’être reconnu dans son travail pour son expérience, son expertise et ses résultats

« Dans ce modèle, l’organisation du travail est présentée comme étant déterminant de la santé des employés, de leurs attitudes et de leur performance. L’impact de l’organisation du travail sur la santé des personnes et leur performance au travail varie selon le sens que lui attribuent les employés. »

(Estelle Morin Rapport R-543 Sens du travail, santé mentale et engagement organisationnel, 2008, p. 40)

Modèle général de l'organisation du travail (MORIN 2008)
Modèle général de l'organisation du travail (MORIN 2008)

Ainsi, une personne qui trouve un sens à son travail, sera en meilleure santé et aura envie de s’engager dans son travail, et une personne qui ne trouve pas de sens à son travail va montrer des symptômes de détresse psychologique et par conséquent son engagement sera différent (l’individu mobilisera alors des stratégies défensives).

La perte de sens au travail et ses conséquences sera l’ocasion d’un prochain article sur opotentia.fr.

Pour plus d'informations
stephaniebiard@opotentia.fr
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