« On estime qu’en raison des troubles de santé mentale, chaque personne vit une année sur cinq avec une incapacité. Environ 20 % des enfants et des adolescents du monde entier souffrent d’un problème de santé mentale, le suicide étant la deuxième cause de décès chez les 15-29 ans. » (source OMS)
Il est établi scientifiquement que le renforcement des compétences psychosociales (CPS) participe pleinement à la promotion du bien-être mental et, est profitable à tout âge de la vie.
En France d’ailleurs, l’axe 1 « Promouvoir le bien-être mental, prévenir et repérer précocement la souffrance psychique, prévenir le suicide » de la feuille de route de la santé mentale et de la psychiatrie, lancée en 2018, fait référence au développement des CPS dans son action 1 « Renforcer les compétences psychosociales« .
L’Organisation mondiale de la santé a défini en 1993 les compétences psychosociales comme
« la capacité d’une personne à faire face efficacement aux exigences et aux défis de la vie quotidienne. C’est la capacité d’une personne à maintenir un état de bien-être psychique et à le démontrer par un comportement adapté et positif lors d’interactions avec les autres, sa culture et son environnement. Les compétences psychosociales ont un rôle important à jouer dans la promotion de la santé dans son sens le plus large; en termes de bien-être physique, mental et social.«
Les compétences psychosociales sont interdépendantes entre elles, quand on travaille sur une compétence on travaille nécessairement sur une ou plusieurs autres. Les programmes cherchant à développer les CPS peuvent viser diverses finalités et agir sur plusieurs problématiques : réduire les addictions, les problèmes de santé mentale, la violence, améliorer le bien-être, la santé sexuelle, le climat scolaire, favoriser la réussite scolaire. Agir auprès des jeunes (enfants et adolescents) en favorisant leur capacité à faire des choix éclairés et raisonnés, leurs aptitudes à vivre ensemble, à mieux gérer leur stress et réguler leurs émotions en renforçant leurs CPS constitue un levier clé de la promotion de la santé.
Renforcer le pouvoir d’agir sur leur situation, influence positivement les facteurs déterminant la santé des enfants, des adolescents et des adultes.
Faisons le point sur l’évolution de la classification depuis les années 1990.
1 - Classification de l'OMS par binôme (1993)
Il a d’abord été établi une liste des aptitudes essentielles au nombre de 10, présentées par couples:
1 - Savoir résoudre les problèmes / Savoir prendre des décisions.
» Apprendre à résoudre les problèmes nous aide à faire face à ceux que nous rencontrerons inévitablement tout au long de notre vie. Des problèmes personnels importants, laissés sans solution, peuvent à la longue maintenir un stress mental et entrainer une fatigue physique »
» Apprendre à prendre les décisions nous aide à les prendre de façon constructive. Cela peut avoir des conséquences favorables sur la santé, si les décisions sont prises de façon active, en évaluant les différentes options et les effets de chacune d’entre elles. »
2 - Avoir une pensée créatrice / Avoir une pensée critique.
« La pensée créative contribue à la fois à la prise de décision et à la résolution de problèmes en nous permettant d’explorer les alternatives possibles et les diverses conséquences de nos actions ou de notre refus d’action. Cela nous aide à regarder au-delà de nos propres expériences. […] La pensée créative peut nous aider à répondre de façon adaptative et avec souplesse aux situations de la vie quotidienne. »
« La pensée (ou l’esprit) critique est la capacité à analyser les informations et les expériences de façon objective. Elle peut contribuer à la santé en nous aidant à reconnaître et à évaluer les facteurs qui influencent nos attitudes et nos comportements, comme les médias et les pressions de nos pairs. »
3 - Savoir communiquer efficacement / Être habile dans les relations interpersonnelles.
« La communication efficace signifie que nous soyons capables de nous exprimer à la fois verbalement, de façon appropriée à notre culture et aux situations. Cela peut signifier être capable d’exprimer nos désirs à propos d’une action dans laquelle on nous demande de nous impliquer. Cela peut également signifier être capable de demander des conseils quand cela s’avère nécessaire. »
« Les aptitudes relationnelles nous aident à établir des rapports de façon positive avec les gens que nous côtoyons. Cela signifie être capable de lier et de conserver des relations amicales, ce qui peut être d’une grande importance pour notre bien-être social et mental. Cela signifie également garder de bonnes relations avec les membres de notre famille, source importante de soutien social. Il s’agit aussi de savoir interrompre des relations d’une manière constructive. »
4 - Avoir conscience de soi / Avoir de l'empathie pour les autres.
« Avoir conscience de soi-même, c’est connaître son propre caractère, ses forces et ses faiblesses, ses désirs et ses aversions. Cela nous aide à reconnaître les situations dans lesquelles nous sommes stressés ou sous pression. C’est indispensable aussi pour établir une communication efficace, des relations interpersonnelles constructives et pour développer notre sens du partage d’opinions avec les autres. »
« Avoir de l’empathie pour les autres signifie qu’il s’agit d’imaginer ce que la vie peut être pour une autre personne, même dans une situation familière. Cela peut nous aider à accepter les autres qui sont différents de nous et à améliorer nos relations sociales, par exemple dans le cas de diversité ethnique. »
5 - Savoir gérer son stress / Savoir gérer ses émotions.
« Faire face à son stress suppose d’en reconnaître les sources et les effets et de savoir en contrôler le niveau. Nous pouvons alors agir de façon à réduire les sources de stress, par exemple en modifiant notre environnement physique ou notre style de vie. Nous pouvons également apprendre à nous relaxer pour que les tensions créées par un stress inévitable ne donnent pas naissance à des problèmes de santé. »
« Pour faire face aux émotions, il faut savoir reconnaître les siennes et celles des autres. Il faut être conscient de leur influence sur les comportements et savoir quelles réactions adopter. Les émotions intenses comme la colère ou la tristesse peuvent avoir des effets négatifs sur notre santé si nous ne réagissons pas de façon appropriée. »
2 - Classification de l'OMS par nature (2001)
En 2001, l’OMS fait évoluer la classification en classant les compétences psychosociales par nature, cognitives, émotionnelles et sociales.
Compétences cognitives
- Prise de décision
- Pensée critique et auto-évaluation
Compétences émotionnelles
- Régulation émotionnelle
- Gestion du stress
- Auto-évaluation et auto-régulation
Compétences sociales
- Communication verbale et non-verbale
- Empathie
- Capacités de résistance et de négociation
- Coopération
- Plaidoyer
3 - Actualisation de la classification par santé publique France (2022)
En 2022, en se basant sur la littérature et les données récentes, Santé publique France a actualisé la classification et identifié 9 compétences psychosociales générales et 21 spécifiques.
Compétences cognitives
- Avoir conscience de soi
- Connaissance de soi (forces et limites, buts, valeurs, discours interne…)
- Savoir penser de façon critique (biais, influences…)
- Capacité d’auto-évaluation positive
- Capacité d’attention à soi (ou pleine conscience)
- Capacité de maîtrise de soi
- Capacité à gérer ses impulsions
- Capacité à atteindre ses buts (définition, planification…)
- Prendre des décisions constructives
- Capacité à faire des choix responsables
- Capacité à résoudre des problèmes de façon créative
Compétences émotionnelles
- Avoir conscience de ses émotions et de son stress
- Comprendre les émotions et le stress
- Identifier ses émotions et son stress
- Réguler ses émotions
- Exprimer ses émotions de façon positive
- Gérer ses émotions (notamment les émotions difficiles : colère, anxiété, tristesse…)
- Gérer son stress
- Réguler son stress au quotidien
- Capacité à faire face (coping) en situation d’adversité
Compétences sociales
- Communiquer de façon constructive
- Capacité d’écoute empathique
- Communication efficace (valorisation, formulations claires…)
- Développer des relations constructives
- Développer des liens sociaux (aller vers l’autre, entrer en relation, nouer des amitiés…)
- Développer des attitudes et comportements prosociaux (acceptation, collaboration, coopération, entraide…)
- Résoudre des difficultés
- Savoir demander de l’aide
- Capacité d’assertivité et de refus
- Résoudre des conflits de façon constructive
Sources utilisées pour rédiger cet article
OMS, Santé publique France, Dossier technique N°5 "Compétences psychosociales et promotion de la santé" - IREPS de Bourgogne, La santé en action N° 431.